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Amami de Naomi Kawase (2015)

  • Lola Mai
  • 7 févr.
  • 3 min de lecture

Lorsque j’ai découvert le travail autobiographique de Naomi Kawase, en particulier son film Amami, j’ai été bouleversée par la fragilité et la délicatesse de cette œuvre. Sa quête pour retrouver ses origines a fait écho à mon histoire familiale : la caméra à l’épaule Kawase visite pour la première fois avec son fils l’île de sa grand-mère biologique. Faire famille prend un nouveau sens dans cette œuvre puisque malgré l’absence de sa grand-mère, Kawase compose de nouveaux liens avec la petite communauté d’Amami. 


Amami se révèle dans l'œil de la réalisatrice comme un lieu à la croisée du passé et du présent : se mêle aux rituels ancestraux une quête des origines et de l’identité. Abandonnée par ses parents et élevée par sa grande tante, Naomi Kawase entreprend dans ce documentaire une introspection dans son passé familial. La réalisatrice, à la fois derrière et devant la caméra, nous partage toute la complexité de cette recherche et les doutes qui en émergent : que signifie faire famille lorsque la transmission a été brisée ? Qu’est ce qui unit les êtres entre eux ? 


Ces interrogations, aussi subjectives soient-elles, se dévoilent au fur et à mesure des dialogues entre la réalisatrice et son très jeune fils Mitsuki. Mère et fils découvrent tous les deux Amami et la caméra adopte régulièrement la hauteur de l’enfant. Ce double regard confère à l’île une puissance poétique qui réside dans cette rencontre entre les différentes générations où se tissent de nouvelles filiations.


La posture de l’enfant, en pleine découverte et débordant de curiosité semble ainsi devenir une source d’inspiration pour la réalisatrice. On retrouve dans le documentaire de Kawase cette fascination pour les détails de l’existence et leur beauté singulière : nombreux sont les plans sur les fleurs et les insectes qui composent la vie de l’île, non pas par signe de naïveté mais par intérêt authentique porté à toutes formes d’existences. Il y a dans ces images de Mitsuki entouré de la nature d’Amami quelque chose de rassurant qui pallie à la disparition des proches, comme si ceux-ci faisaient encore partie de ce paysage et que leur présence était préservée sur l’île. Le profond respect que porte la réalisatrice au paysage de l’île s’accompagne ainsi d’une forme d’hommage aux ancêtres et plus encore aux cycles de la vie. 


Ce n’est pas un hasard si la réalisatrice décide de tourner sur l’île en plein été. La plupart des films de Kawase se déroulent à cette période, sans doute parce qu'elle représente l’épanouissement de la nature et l’insouciance de l’enfance. Une très belle séquence montre d’ailleurs une femme âgée dire à Kawase que les enfants de l’île continuent à jouer autour d’un muret comme le faisait sa grand-mère. Toute la beauté et l’accomplissement du voyage de la réalisatrice semblent résider dans ces petits instants du quotidien qui perpétuent la mémoire des êtres chers : voir les mêmes paysages qu’eux, manger la même nourriture, reproduire leurs gestes et finalement d’une certaine manière les retrouver. De ses retrouvailles émane une certaine mélancolie qui nous renvoie sans cesse à l’expérience de notre propre existence et de sa fugacité.


Se posent poétiquement les thèmes de la filiation et de l’héritage à travers la découverte de Kawase et de son fils de l’île : comment transmettre une mémoire fragmentaire aux jeunes générations ? On comprend que la réponse à cette interrogation réside essentiellement dans cette posture et cette capacité à se laisser conduire et instruire par d’autres histoires plus anciennes.  L’énigme qui parcourt Amami semble alors en être à la fois la clé et le guide. 


Lola Mai

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