Compte rendu de la 13ème édition du PIFFF
- Stella Parisi
- 27 déc. 2024
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 déc. 2024
Le PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival) s’est imposé comme le festival de films de genre incontournable de la Ville Lumière. Cette treizième édition a eu lieu sur une semaine, du 4 au 10 décembre au Max Linder Panorama, et s’est inscrite comme historique en explosant les records de fréquentation du festival depuis sa création. Étant la deuxième édition à laquelle j’ai eu la joie d’assister, j’estime être en mesure d’affirmer que le PIFFF rayonne par son ambiance chaleureuse et bienveillante, proportionnelle à l’investissement de son équipe passionnée ainsi qu’à la haute qualité de sa programmation. Je tenterai d’en rendre compte le plus fidèlement possible en passant en revue les séances les plus marquantes auxquelles j’ai pu assister, de son ouverture à sa clôture, en explorant longs-métrages en compétition, hors-compétition, ainsi que ses rétrospectives.

Pour ouvrir le bal, j’ai eu le plaisir mitigé de découvrir Ick de Joseph Kahn en séance d’ouverture. Ick reprend tous les codes du teen-movie américain et les mélange au genre du film de zombie, le tout sous forme comique. On y suit un groupe de lycéens, accompagnés de leur professeur de sciences, dans une petite ville américaine qui va soudainement être envahie par une forme de vie inconnue. Tapi dans l’ombre, ce mal en apparence inoffensif ne tardera pas à posséder leur corps, en les vidant de leur humanité. Le réalisateur, nous l’ayant vendu comme une comédie horrifique légère adaptée a tous types de publics, ne contribua que davantage à ma déception après le visionnage d’une sorte de mélange raté entre Don’t look up et The Invasion of the Body Snatchers. Son humour, au mauvais goût de sarcasme réactionnaire, n’est aucunement rattrapé par ses effets spéciaux bon marchés à base de CGI ratée. Une ouverture bien moins mémorable que celle de la 12ème édition avec le mythique Godzilla Minus One, mais bien rattrapée par le reste de la programmation.
Ma première journée débute avec le surprenant Flesh for Frankenstein de Paul Morrissey, un film de 1974, inspiré comme son nom l’indique, du célèbre mythe de Frankenstein. Il s’est probablement imposé comme étant la rétrospective la plus attendue de cette édition par tous les amateurs du genre. Présenté comme un rejeton de la Hammer érotique et jusqu’au-boutiste, on en ressort avec la sensation merveilleuse d’avoir eu ce qu’on attendait. Formant un doux équilibre entre ridicule et grandiose, ce chef-d’œuvre produit par Andy Warhol ne lésine pas sur les dialogues grotesques, rythmés par des accents ratés et des décors somptueux dans la tradition gothique hammerienne.
Avec The Wailing, Pedro Martin Calero n’a pas manqué son coup en le propulsant directement en tête de mes plus belles découvertes de ce festival. Entre l’Espagne, la Belgique et l’Argentine, The Wailing suit le destin de trois jeunes femmes d’une même famille, hantées par un esprit septuagénaire pervers dont l’identité restera inconnue. Cette fresque néo-féministe reprend le sous-genre du black screen et du film de fantômes (aux airs de Kaïro de Kurosawa, tant dans son ambiance mystique que sa sensation de vide pesant sur chaque personnage) et marque par sa poésie ainsi que ses actrices remarquables : Ester Exposito, Mathilde Ollivier et Malena Villa.

La deuxième journée a débuté avec panache avec l'électrique Escape from the 21st Century, un surprenant mélange de genres et de techniques chinois, introduit par son réalisateur Yang Li comme une ode à la jeunesse et une invitation à vivre une vie épicurienne. Avec cet hybride déjanté entre le comic book, l’action, et l’animation, le réalisateur nous invite à faire un voyage temporel dans sa jeunesse durant l’été 1999, où rien n’a de sens mais où chaque souvenir innocent réchauffe les cœurs et dessine un sourire sur les visages.
Changement de registre avec le grand classique de Neil Marshall, présent cette année pour nous présenter The Descent sorti en 2005. J’ai eu le plaisir de découvrir un très harmonieux mélange entre found-footage, épouvante et survival, dont les créatures, qu’on pourrait apparenter à une version dérivée de Gollum n’ont pas manqué de me procurer quelques moments d’angoisse bien dosés. Des personnages et une histoire dramatique pas vraiment mémorables, cependant largement compensés par les décors caverneux ultra-réalistes et une atmosphère suffocante très efficace. Claustrophobes s’abstenir...
Strange Darling de JT Mollner m’a paru être le film le plus étonnant de la programmation (et probablement le plus mystérieux dû au peu de communication qui plane autour de sa sortie) et a clôturé cette journée sur une belle claque. Malgré les débats que peuvent susciter son propos, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas reconnaître sa maîtrise de la mise en scène et du montage, ainsi que le talent de ses acteurs. Une satire qui excelle dans l’art de la provocation en nous délivrant une critique du mouvement MeToo radicale et peu subtile. Cependant, si son message réactionnaire, emprunt d’insolence, frôle parfois la misogynie, il n’en reste pas moins pertinent sur la manière dont les nouveaux mouvements sociaux, poussés à l’extrême, peuvent en réalité desservir la cause qu’ils défendent.
Pour commencer en beauté la journée la plus chargée de la semaine, j’ai découvert avec enthousiasme le trop méconnu Demolition Man de Marco Brambilla sorti en 1993. Après tous les Rocky, Stallone a décidé d’inclure dans sa carrière un petit bijou de science-fiction crue aux côtés de Sandra Bullock. Au menu : une société divisée entre le chaos de l’ancien temps et l’ordre d’une ère nouvelle, un conflit opposant une élite dirigeante, cruelle et imbue de pouvoir, au peuple rebelle exilé dans les catacombes. Il va sans dire que s’il sortait aujourd’hui, ce film serait assurément une parodie tant il présente le genre de la dystopie dans son manichéisme le plus extrême. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de passer un moment magique devant en se laissant bercer par le charme des années 90.
U Are the Universe de Pavlo Ostrikov s’est imposé comme le lauréat de cette édition ayant raflé tous les prix de longs-métrages en compétition (l’œil d’Or du PIFFF remis par le public et le prix Ciné+ Frisson remis par Canal +). On y suit un ouvrier de l’espace solitaire transportant des cargaisons, arpentant la galaxie accompagné d’un robot de compagnie (aux airs de C-3PO). Lorsque la Terre explose, il se retrouve confronté à sa solitude et parvient à retrouver un but à son existence en entamant une relation à distance avec l’autre ultime survivante de la catastrophe qui a anéantit l’humanité. Comédie romantique de science-fiction ukrainienne, U Are the Universe est un film familial émouvant dont l’humour empreint de mélancolie revisite le film de catastrophe en le diluant dans un grand bol d’eau de rose. Je ne peux par conséquent cacher ma déception suite à l’annonce du palmarès longs-métrages de cette édition, qui me sembla très léger et peu représentatif de l’axe horrifique qui fait la si belle réputation du PIFFF.
Avec The Rule of Jenny Pen, James Aschcroft dirige un John Litgow incarnant à la perfection son rôle de retraité sadique martyrisant et humiliant ses camarades de l’EHPAD en compagnie de sa poupée démoniaque. Nous serons alors mis dans la peau de seniors infirmes qui n’ont d’autre choix que de subir silencieusement les pires tortures psychologiques d’un psychopathe aux pattes de velours. Un film qui joue intelligemment sur la peur du vieillissement et de la solitude, et qui apporte une vision critique de l’existence réelle de la justice en nous montrant que le mal peut être parmi nous sans jamais être puni.
Pour ma dernière journée complète, Ruggero Deodato ouvre le bal avec Ultimo Mondo Cannibale (1977) qui semble préparer le terrain pour la sortie de Cannibal Holocaust trois ans plus tard. Une œuvre que l’on pourrait caractériser de pure série B immorale à tendance fasciste mais qui n’en reste pas moins intéressante sur le plan cinématographique. On constate déjà dans ce film tous les codes qui lui seront reconnaissables, allant d’une musique frivole à la flûte en passant par de la violence crue et scènes de viol gratuites pour finir par des meurtres d’animaux en live.
The Assessment de Fleur Fortuné s’inscrit aisément comme mon deuxième favori de cette édition. Un récit apocalyptique intelligent déstabilisant de par son atmosphère suffocante et son esthétique aseptisée dans les terres arides de Tenerife. Un film impactant par sa capacité maligne à jouer avec les limites de la morale, mais également par la justesse de l’écriture de ses personnages et la performance de ses acteurs (il serait criminel de ne pas mentionner celle d’Alicia Vikander frôlant presque la perfection). Par dessus tout, cette œuvre tire son épingle du jeu grâce à la réflexion profonde qu’elle construit sur des thèmes fondamentaux tels que le couple, la parentalité, l’autorité ou encore le sens d’une vie privée de liberté. En somme, The Assessment nous présente un discours dur et universel capable de laisser à tout types de publics un goût doux-amer inédit en bouche.

Pour conclure cette épopée fantastique, j’ai pu assister à sa séance de clôture, qui, à mon grand regret ne fût pas plus mémorable que celle d’ouverture. En mon sens, il vaut mieux ne pas aller voir The Surfer de Lorcan Finnegan dans l’optique d’assister à la formule de violence et de folie jouissive propre à Nicholas Cage, au risque de rester complètement sur sa faim avec ses quelques scènes peinant à frôler un semblant d’onirisme. Un film tombant rapidement dans le dérisoire pour ne dessiner que les contours d’une satire sociale ratée sous l’effet de champignons hallucinogènes.
On pourra déceler de tous ces films d’époques et de nationalités très variées une tendance globale davantage axée sur le genre de la science-fiction, et plus précisément d’anticipation. La représentation de la jeunesse y est également centrale et reflète une volonté d’interroger notre époque actuelle en soulevant certaines problématiques tant sociales qu’écologiques. Malgré certaines découvertes peu concluantes, cette 13ème édition n’en reste pas moins remarquable, mise en valeur par une programmation ambitieuse qui ne manque pas de faire honneur à la grande renommée du PIFFF. Un grand merci à tous mes partenaires de festival ainsi qu’à l’équipe du PIFFF pour m’avoir ouvert les portes de ce bel évènement que j’ai pris tant de plaisir à couvrir.
Stella Parisi
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