Les Graines du Figuier Sauvage est un drame réalisé par Mohammad Rasoulof. Ce film est une violente prise de conscience de ce qu’il se passe réellement en Iran. On suit l’histoire de Rezvan, une jeune fille de 20 ans, de sa petite sœur Sana et surtout de leurs parents, en particulier leur père. Entre les manifestations contre le régime, le travail « secret » du père et les tensions familiales, ce film est excellent, et ce pour plusieurs raisons. Le film est structuré en deux parties : une première, avec la montée de la violence des manifestations, et une deuxième, avec la disparition de l’arme du père.
Dans cette première partie, on a une forte présence des réseaux sociaux. En effet, on va nous montrer des vidéos, des photos des manifestations, mais ce sont des images réelles, filmées verticalement. Cette apparition récurrente de vidéos nous permet de « sortir » du film pour nous ramener à la réalité des évènements ce qui contraste énormément avec les informations qu’on perçoit à la télévision. Ces dernières ne montrent pas la réalité derrière les manifestations, et propagent souvent des mensonges. Sur les réseaux sociaux, les vidéos sont brutales, mais vraies, les deux sœurs se tiennent informées de l’évolution de la situation grâce aux réseaux. Cela creuse un espace entre les filles et leurs parents : eux croient les informations et le gouvernement, tandis que les filles développent de nouvelles idées face à la révolte et se posent énormément de questions sur celle-ci. Pour insister sur la gravité des événements, les couleurs sont peu vives. Cependant, dans quelques scènes, certaines couleurs dominent, dont particulièrement le rouge. Certaines scènes de cette première partie sont poignantes. Par exemple, lorsque l’amie de Rezvan est blessée par des balles au visage, on voit tout. Le sang, les larmes, la vie brisée d’une jeune adolescente, nous sommes face à la cruelle réalité sociale.. Une scène qui est particulièrement marquante est lorsque la mère, après avoir soignée la jeune fille, jette brutalement les balles pleines de sang dans l’évier parfaitement blanc de la salle de bain.
L’histoire avance assez lentement. On découvre en même temps que les protagonistes l’avancée de la révolte, on vit à leur rythme, on suit chaque personnage dans son intimité. Cela permet de laisser du temps pour nous, spectateurs, de réfléchir, analyser les différentes situations et points de vue des personnages.
Le film prend un tournant lorsque le père se rend compte de la disparition de son arme. On n’entendra plus les manifestations, il n’y aura plus de vidéos, d’images, on se recentre ici sur la famille, mais surtout sur le père. Peu à peu, son comportement (qui jusque-là était assez calme) va changer pour devenir violent avec sa famille, il va se comporter avec sa famille comme le gouvernement se comporte avec ses citoyens, de manière violente. Cette deuxième partie, qui était assez longue, présente certes des scènes très intéressantes, mais nous sommes complètement coupés du monde. Si ce choix est intéressant, il est dommage de « refermer » l’histoire sur la famille, alors qu’on s'attendrait plutôt à ce que l’histoire continue avec les émeutes (peut-être les filles auraient rejoint les manifestants), mais non l’histoire prend un tournant différent, mais assez intéressant et surprenant, se refermant sur la famille, apportant à l’histoire un contraste étrange avec la première partie du film.
La fin est émouvante et étrange à la fois. Étrange, car on peut comparer la scène où le père pourchasse sa famille dans les ruines à la scène finale du labyrinthe dans Shining, de Kubrick. Le père va devenir fou, et va décider de s’en prendre à son enfant, ici à Sana. On a une alternance de plan d’abord sur le père, puis sur sa fille, puis de nouveau sur le père, exactement comme dans la scène du labyrinthe. L’angoisse est présente, on a peur de ce qu’il va arriver. Finalement, Émouvante, car c’est la cadette, nourrie par les idées issues des manifestations et par sa volonté de sauver sa mère et sa sœur de ce père violent, qui fermera donc ce chapitre pour en écrire un nouveau, celui de la liberté. Les dernières images seront de nouveau des vidéos, mais cette fois-ci des vidéos avec une note d’espoir.
Ce film est marquant, c’est une véritable révélation des enjeux géopolitiques et politiques dans le monde. Nous sommes plongés au plus profond dans les émeutes, on se sent proches des personnages, surtout des deux filles, qui sont pourtant si jeunes pour vivre tant d'horreurs. Ce film est porteur d’espoir, l’espoir qu’un jour ce pays et tant d’autres soient libérés de l’oppression, et que les femmes aient des droits, le droit de se teindre les cheveux en bleu ou celui mettre du vernis à ongle sans que personne d’autre n’ait son mot à dire.
Camille Goasdoué Vocanson
Comments